No Picture

La principale contrariété qu’a connu mon désir de création picturale, c’est l’overdose d’images. Des tas de signes qui grouillent, partout, tout le temps. Pendant plusieurs années, je me suis constamment demandé quel était l’intérêt de rajouter un timbre-poste de plus à cette orgie visuelle. En cette longue période de scepticisme existentiel (qui coïncide bizarrement avec la fin de mes études artistiques), il me fallait pourtant avancer.

C’est pourquoi, j’ai basé une partie de ma production sur des non-images, sortes de représentations qui ne seraient ni intimes ni publiques, ni narratives ni informatives, ni obséquieuses ni engagées, et qui ne feraient référence à pas grand chose, si ce n’est le médium qui a servi à leur donner jour. À ce moment-là, c’était uniquement un prétexte à l’acte de peindre que je recherchais. Une feuille blanche pliée en quatre par exemple, dépliée et observée de nombreuses fois à différentes heures de la journée, un caillou agrandi plus de cent fois ou même des couvertures de livres, me donnant l’illusion de ne pas générer moi-même de l’image, quand se pointait l’envie d’un sujet plus élaboré.

Lorsqu’il a fallut exposer ces peintures, j’ai voulu éviter de les exhiber sur les murs blancs d’une galerie. Ce processus de monstration correspondait un peu trop à mon sens à l’acte de dire : « Regardez, j’ai fabriqué des images ». Et puisque que la réalité que je voulais figurer remettait justement en doute la place de la peinture au milieu de la grande marée visuelle, j’ai cherché un lieu pas du tout aseptisé, un lieu qui s’érigerait en quelque sorte comme une anti-galerie. C’est dans un vieil appartement près de la Bourse, inhabité depuis les années soixante, et dont les murs chargés de motifs engloutissaient mes peintures comme les images dansantes submergent notre quotidien, que j’ai trouvé du sens à mon installation.